Pour Madame Bouysse, Inspectrice Générale, avec les nouveaux programmes de maternelle, il y a eu un intérêt de l’institution pour l’école maternelle comme il n’y en avait pas eu depuis longtemps. Sur le terrain on ne perçoit pas encore les progrès, car beaucoup de choses restent à faire pour donner vie à ces textes.

L’esprit de ces textes reste pour Madame Bouysse capitale, notamment pour les élèves en difficulté. D’ailleurs, pour elle, il est anormal de regarder les enfants en maternelle comme des élèves en difficulté. L’école maternelle n’étant pas obligatoire, ils pourraient très bien ne pas y être. Nous devons donc repérer les manques des enfants, manques momentanés et comme nous ne sommes pas seulement des témoins de leurs manques, nous devons leur proposer des situations pour les faire évoluer. Ceci est particulièrement important pour les enfants pour lesquels ces manques sont les plus importants.

La manière de dire les choses aux enfants, et aussi aux parents, est primordiale, tant il est important de soutenir la motivation et l’estime de soi. En effet, certains enfants pensent qu’ils ne vont pas y arriver avant même d’essayer.
Voici une petite vidéo provenant des Etats Unis, pour illustrer ce que peut donner le manque de confiance :https://www.youtube.com/watch?v=j9I95BJsINc

Mme Bouysse a rappelé également qu’évaluer un travail, ce n’est pas juger une personne. Donc notre regard et nos propos comptent. Par exemple, dire « il a des difficultés », ce n’est pas du tout la même chose que de dire « il est en difficulté ».

Nous aimerions ici faire le parallèle entre ce qu’énonce Mme Bouysse et ce que ressentent les collègues dans leurs rapports avec la hiérarchie. Effectivement, de nombreux collègues nous avaient apporté leurs témoignages lors de notre campagne « halte au mépris ». Lors du stage, nous avons évoqué aussi le fait, que les parents, voulant bien faire, inquiets pour l’avenir de leurs enfants et eux aussi souvent mis sous pression dans leur travail, étaient parfois amenés à ne voir que le négatif. Notre société semble en effet tournée de plus en plus vers la performance, l’excellence…
Dans cet environnement, parfois difficile, et qui paraît impossible à changer, il faut peut-être se dire, que tout peut être changé, cela peut prendre du temps, mais en vaut vraiment la peine.

En ce qui concerne l’évaluation, il s’agit bien d’un outil pour connaitre les enfants et les faire progresser. Il s’agit de dire ce qui est acquis, même si ce n’est pas l’idéal. L’idéal ne peut être la norme, mais ce vers quoi on tend.

Sur la forme du livret de réussite, Madame Bouysse nous conseille de rester le plus simple possible. Cet outil est un outil de communication pour dire ce qui est acquis. Les photos, ou les vidéos peuvent être intéressantes, mais vite chronophages ou sources de conflit. Des parents pouvant aller jusqu’à compter le nombre de fois où leur enfant apparait…

L’important est d’avoir un écrit de l’enseignant qui atteste des progrès de l’élève, car c’est bien l’adulte qui en est le témoin.

Rappelons également que la seule obligation donnée dans les textes est de le donner deux fois aux familles dans l’année.

Mme Bouysse, nous conseille aussi de favoriser par moment la posture d’observant. On peut également dire aux enfants, quand on conduit un atelier, que nous souhaitons les observer et voir comment ils travaillent, ce qu’ils savent faire.
Lors de son intervention, Mme Bouysse s’est appuyée sur un power point, qu’elle nous a aimablement fait parvenir. Le voici donc ci-dessous afin d’aller plus loin sur la question, si vous le souhaitez, en cherchant notamment les écrits des spécialistes cités.

Annecy-evaluation_maternelle-mai2017

Nous tenons à remercier Mme Bouysse pour son intervention et nous retiendrons son extrême bienveillance. Nous aimerions que cela soit plus répandu dans notre hiérarchie.

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La journée de stage s’est poursuivie par l’intervention de Collette Charlet, enseignante rased en retraite, militante au SNUipp et au GFEN. Nous avons tenu à inviter un membre du GFEN, car les questions de l’évaluation, de la bienveillance et du tous capables sont au cœur des réflexions du GFEN.

Intervention de Collette Charlet

« Évaluer, noter pour faire quoi ?
Comme il est écrit sur le tract d’invitation, il est important de développer des pratiques d’évaluation qui permettent de forger en chacun, chacune l’estime de soi et le respect d’autrui, d’accompagner les apprenants, de favoriser les régulations, pour nourrir le désir d’apprendre ; rompant ainsi avec les stigmatisations, les théories des dons, les coutumes sélectives que beaucoup de candidats de droite et d’extrême-droite tentent d’imposer (Souvenons-nous d’un discours de Valéry Giscard d’Estaing affirmant la théorie des dons innés et s’attaquant violemment à ceux et celles qui osèrent s’y opposer, puisque des enseignants furent déplacés).

Placer l’humain au cœur de notre travail, par la construction de savoirs, éveiller les consciences pour reprendre le défi de Philippe Meirieu. Dans le champ de l’école, apprendre ne doit pas se réduire à mettre des notes chiffrées ou lettrées sur des bulletins. On assiste en ce moment et particulièrement dans les programmes des partis de droite et d’extrême-droite, (via SOS Éducation) à un détournement de sens ou de concepts pour mieux faire accepter les visées économiques libérales, ségrégatives.

Ainsi, la notion de compétence est détournée pour s’inscrire dans le champ de l’économie marchande pour faire accepter la compétition, la concurrence entre les individus. Tout ceci pour inciter à opérer la sélection scolaire, pour alimenter l’exclusion surtout dans les quartiers populaires.

Cela nous évite ainsi de réfléchir à un véritable travail d’éducation, donc de formation. On développe alors des attentes négatives, comme des fatalités qui pèsent dans la construction du rapport au savoir des jeunes apprenants qui se trouvent en concurrence et le perçoivent très vite.

Pour illustrer ce propos, j’ai souvenir d’un élève de grande section suivi par le RASED qui se sentant insécurisé par rapport à ses camarades (puisque suivi par le RASED) et qui me dit un jour avec lassitude : « Oui, mais, j’peux pas y arriver, je compte pour du beurre ! » Il se sentait relégué comme beaucoup de ses camarades de quartier populaire, car il avait déjà intériorisé la notion de dons.
Toutes les pédagogies remèdiatrices fondées sur la notion de manques à combler ne réparent rien du tout. C’est un emplâtre sur ce qui a déjà été abimé. Les pratiques de tests/sélection poussant vers la ségrégation.

Autre dérive autour de la notion de mutualisation… Là aussi la vision libérale en a détourné le sens. Sur le plan économique, par des directives venues d’en haut, on mutualise « les services » pour les rendre plus performants et compétitifs…mais cela est pour opérer des coupes budgétaires, suppression de postes. Alors que la notion de mutualisation est issue de luttes collectives pour être au service de l’humain. Elle provient du mouvement mutualiste, de formes de travail coopératif. Dans le champ de l’école, les mouvements d’éducation nouvelle se sont appuyés là-dessus pour faire réussir, donner confiance aux enfants, apprendre à coopérer pour réussir individuellement et ceci dès la maternelle.

Face à ces situations négatives évoquées plus haut que peut faire l’Éducation Nouvelle comme le GFEN, l’ICEM et bien d’autres mouvements d’éducation populaire ? Pour ne pas entraver le développement des enfants, il faut s’appuyer sur des leviers de réussite par des stratégies de détour, observer les progrès même minimes soient-ils, sur quelles situations il y a des ruptures qui s’opèrent et qui cassent les fatalités, pour qu’il y ait évolution ; car, nous savons scientifiquement que les sujets sont capables de « plasticité mentale ».

A tout âge, nous pouvons transformer, nous transformer mais il faut en construire les conditions. Cela nous oblige à rechercher les modes d’accompagnement des élèves, des familles car pédagogie et projet politique peuvent converger, car chacun, chacune a droit à la dignité. Cela ne peut se faire seul, on doit s’appuyer sur l’intelligence collective et explicite pour se réaliser individuellement.
Alors, en ces temps si troublés et incertains, il y a à imaginer des actions citoyennes pour lutter contre les pratiques sélectives qui masquent les inégalités sociales et les rendent légitimes nous plaçant dans un état de servitude volontaire.

Tout y concourt aujourd’hui avec la complicité des médias, des multinationales et où l’humain se fait piéger. Dans un livre collectif que le Lien International de l’Éducation Nouvelle a produit, nous avons proposé des pistes et des analyses concernant les effets destructeurs de la notation chiffrée. Nous avons affirmé qu’en matière d’évaluation/conscientisation et ceci dès la maternelle il est possible de changer par la coopération. Oui, il existe des alternatives au pouvoir mortifère des notes, pour que l’enfant devienne acteur, sujet… Ainsi que ce soit, en France, en Belgique, au Luxembourg, des collègues relèvent le défi en mettant du sens à leur travail, en construisant du dialogue avec leurs élèves pour qu’ils puissent être amenés à élaborer des port-folios relatant leur cheminement. Cela constitue des « chefs-d’œuvre pédagogiques » présentés aux familles. Ces pratiques sont libératrices et laissent des traces dans leur histoire d’écolier. Ils en sont les acteurs et s’inscrivent dans la durée et non dans l’immédiateté marchande de la note sanction.

Référence : « Évaluer sans noter, Éduquer sans exclure » Édition Chronique Sociale

Coordination : Michel Neumayer, Étiennette Vellas avec la coopération de Colette Charlet, Mounira Khouadja, Pascale Lassablière- Hilhorst (LIEN) »

Retrouvez sur le site du gfen ed nombreux outils, et parutions : http://www.gfen.asso.fr/fr/accueil

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Nous avions également prévu de lire un texte rédigé par deux enseignantes militantes de l’ICEM, mais le temps nous a manqué. Aussi nous vous le présentons ici.

« Quand Katie m’a demandé de chercher des informations concernant l’analyse des nouveaux programmes de l’école maternelle et la mise en place « d’un carnet de suivi » à l’ICEM (Institut Coopératif de l’Ecole Moderne – amis de la pédagogie de Célestin Freinet), je suis allée sur le site de l’ICEM, j’ai demandé à une enseignante de maternelle en Seine Maritime… Nous avons beaucoup discuté et nous avons trouvé des réflexions pédagogiques d’enseignants étant à l’ICEM. Mais ces réflexions remontent à 2010 ! C’est pour dire comme certains pédagogues y réfléchissent depuis longtemps ! Aujourd’hui en 2017, les enseignants se réclamant de la pédagogie Freinet travaillent depuis bien longtemps sur le « carnet de suivi ». Certains l’appellent carnet de suivi, d’autres l’appellent carnet de réussites… Autant de noms pour appeler un cahier où sont compilées toutes les réussites, toutes les photos des réussites, toutes les compétences de l’enfant QU’IL AURA LUI MÊME VALIDE, parce que l’emploi du temps de la classe et les espaces de travail sont pensés de sorte que l’enfant soit acteur de ses apprentissages. C’est lui qui va chercher le travail qu’il a envie de valider. Cela nécessite aussi qu’il connaisse chaque compétence, que chaque atelier ait été présenté afin qu’il puisse choisir en toute connaissance. C’est donc avant tout un outil pour l’enfant. Des pédagogues se réclamant de la pédagogie institutionnelle ont aussi travaillé sur le concept de carnet de suivi en le liant aux passages de « ceintures ». Les réussites sont lisibles par les enfants, par petites images ou photos. Elles sont positives et font part d’une évolution. Chaque photo ou dessin ou validation est directement lisible par l’enfant qui sait dire à quelle compétence cette image fait référence. « je sais trier » « je sais parler au quoi de neuf » « je sais composer des mots à l’imprimerie » « je sais marcher sur la poutre ». Pour une vraie co-éducation et lisibilité, 1 RV individuel, voire 2 avec les parents sur des samedis matins, sont fixés pour expliquer les réussites, regarder d’autres réussites (vidéos) à l’ordinateur et parler de l’enfant à l’école et dans sa famille.

L’ICEM n’a pas prétention à donner une méthode, il est simplement un lieu de parole et de réflexion où les enseignants peuvent réfléchir à leurs pratiques tout en se reconnaissant dans les valeurs de la pédagogie Freinet ; l’ICEM est un mouvement pédagogique constamment en réflexion. Il n’y a pas UN outil mais bien autant d’outils qu’il y a de lieux de réflexion où chacun se nourrit des apports des autres. Ce qui est sûr c’est que l’orientation des nouveaux programmes de l’école maternelle et la mise en place d’une réflexion sur « l’évaluation » en maternelle sont des idées qui sont en lien avec les réflexions de l’ICEM.

Les enseignants de maternelle adhérents à l’ICEM s’y retrouvent sans nul doute…mais n’oublions JAMAIS notre esprit critique. »
Site de l’ICEM : https://www.icem-pedagogie-freinet.org/

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La journée s’est terminée par l’intervention de Nelly Riso, déchargée pour le SNUipp national.

Voici les conseils du SNUipp concernant le livret de réussite :
– Essayer de trouver un outil en équipe quand cela est possible
– Prenez le temps pour concevoir cet outil sur les 108h
– Vous pouvez prendre aussi sur le temps des apc pour rencontrer les familles
– Refuser les injonctions que l’on pourrait subir, la seule obligation des textes étant de remettre ce bilan deux fois par ans aux familles.

Pour le SNUipp, faire vivre les programmes ne se décrète pas, il faut baisser les effectifs, une atsem dans chaque classe (lien vers la pétition). La question de nos rythmes de travail doit faire l’objet d’une vraie concertation de la profession, ainsi que celle de notre quotité horaire. Nous avons aussi besoin de temps pour échanger et travailler en équipe, une formation continue de qualité, en présentiel et des Rased complets et en nombre suffisant, pour intervenir dans toutes les classes maternelles.

Vous pourrez également retrouver sur internet de nombreuses vidéos des conférences de Viviane Bouysse.

En guise de conclusion, Viviane Bouysse a voulu rappeler que :

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[bleu]« Nous ne sommes pas des héros, parfois oui, mais pas tous les jours »[/bleu]

STAGE MATERNELLE du 4 mai avec Viviane Bouysse

STAGE MATERNELLE du 4 mai avec Viviane Bouysse